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[CAGED] Extrait : Ch01 - Une jolie cage

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Doria-Plume's avatar
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Mon nom est Marry.
Mes yeux sont bleus, mes cheveux roux, et ma tête est remplie de rêves et de cauchemars hallucinés. Je vois un tout autre monde que vous. Je suis triste et seule, enfermée depuis plusieurs années dans la même maison, ne pouvant que rêver du monde extérieur. Je n'attends rien de la vie. Seul le passé compte, seul le passé est tendre et vrai. Je voudrais tellement revenir en arrière, revivre ces instants, le revoir à nouveau, lui, ma stabilité, ma famille, mon ami ; que reste-t-il de toi aujourd'hui ? Seulement des cendres ? Non, je n'y crois pas, tu es là en vie, quelque part. Je le sais. Je ne suis pas seule. Nous ne pouvons pas être séparés, car tu es une partie de moi. Je t'attends. J'attends que tu reviennes me chercher, que tu m'enlèves à ce présent ennuyeux, sans saveur ni lendemain. Je suis malade du passé. Je veux replonger dedans de toute mon âme et ne jamais le quitter. Je veux m'endormir pour ne jamais me réveiller, sinon à tes côtés, comme autrefois. Je veux te retrouver. Je t'en prie, reviens. Sauve-moi.

Parfois, il m'arrive de faire un rêve. Tout y est blanc et bleu, un bleu profond, léger et sans fin, où il n'y a plus ni peine ni tristesse.
Je m'appelle Marry, et je me sens profondément triste et seule.


[Extrait du "Prologue"]

*
*       *
*

 

        Marry était seule, assise devant la fenêtre de sa chambre. Elle fixait l’extérieur d’un air absent, le regard perdu parmi les gouttes de pluie qui tombaient sur la ville. Une ville étrangère qu’elle ne connaissant que vaguement, comme quelque chose de très lointain. Elle se sentait loin de ce monde.
    Petite, on lui avait souvent interdit de sortir et il en allait de même encore aujourd’hui. Cela faisait six ans qu’elle vivait là, dans cette même maison, avec les mêmes personnes.
    Christian était quelqu’un de très gentil, elle en était intimement persuadée. Alors qu’elle avait tout perdu, elle lui avait été confiée. Depuis, il avait prit soin d’elle chaque jour, à chaque instant, sans rien demander en échange. C’était un jeune homme calme, posé et plaisant. Il n’était ni curieux ni importun, il était seulement là, présent pour elle à tout instant, et cela lui suffisait.
    La maison était grande et jolie, sans excès, bien tenue et lumineuse. On s’y sentait bien. Les quelques domestiques, seuls autres habitants de la demeure, étaient plutôt sympathiques. Il n’y avait rien dont elle aurait pu se plaindre, vraiment, sinon de passer ses journées cloitrée entre ces murs. Quelques fois, elle avait pu explorer le jardin qu’elle connaissait à présent par cœur, mais on ne lui avait jamais permis d’aller au dehors de la propriété. Bien que cela lui pesait, elle ne s’en était jamais plainte. Pour se consoler, elle avait fini par se persuader que rien ne valait la peine dehors. Ce monde lui était étranger et austère : il ne voulait pas d’elle et de ses yeux bleus. Pour lui, elle était une erreur de la nature. Un monstre. Elle le savait et s’y résignait. Après tout, elle n’attendait rien de ce monde où la pluie ne cessait de tomber.

     

    Une douce musique métallique la tira de son état lambinant. Elle tourna la tête et sourit en regardant une petite cage dissimulée derrière des bibelots et des tissus. Elle s’approcha et la découvrit du grand drap qui la surmontait. Dedans se trouvait un petit oiseau mécanique, tout fait de métaux sophistiqués et de rouages, debout sur son perchoir. Il chantait à la manière d’une boite à musique. Elle tenait beaucoup à cet oiseau. C’était l’une des seules choses qu’il lui restait de son frère en ce monde. Ce frère qui avait depuis toujours été sa seule famille, et qui n’était plus là depuis six ans. Elle ne savait pas vraiment ce qu’était l’oiseau ni par qui il avait été fabriqué, s’il était vivant ou non, ni même à quoi il pouvait servir ; et malgré cela elle le gardait précieusement. C’était un objet curieux que personne ne devait découvrir. On n’aimait pas parler d’oiseaux ni de machines qui leur ressembleraient, c’était tabou. Alors elle le gardait secret. Chris était le seul qui connaissait son existence. Tout ce qu’il avait dit en le découvrant était que c’était dangereux, et qu’elle devrait le cacher si elle voulait le garder. Elle s’en souvint en entendant des bruits de pas approcher. Elle pria l’oiseau de se taire, ce qu’il fit alors, docilement.

 

     On toqua. La voix de Chris résonna. Elle lui permit d’entrer.
    Lorsqu’il fut dans la chambre, elle s’avança tout naturellement vers lui et ils se saluèrent en se souriant. C’était un jeune homme de dix-neuf ans bien fait de sa personne, élancé et bien bâti, d’un maintien élégant et toujours bien habillé. Alors qu’il regardait distraitement autour de lui, il remarqua la cage qui avait été dévoilée. Il alla alors refermer vivement la porte avant de revenir vers elle.

« Je t’avais pourtant demandé de mieux la cacher ! Qu’en aurait pensé un autre que moi ? 

-    Pardon Chris, mais c’est… C’est tellement triste pour lui. 

-    Mais voyons, c’est une machine. Il n’est pas vivant, il ne peut donc ni être triste, ni même manquer d’air ou de lumière.

-    Mais s’il n’est pas heureux ?

-    Heureux ? Mais ce n’est qu’un… »

Avant de continuer il la regarda, et son agacement s’estompa tout à coup. Il soupira doucement.

« Ne t’en fais pas, je suis sûr qu’il est très heureux.

-    Comment le sais-tu ?

-    C’est simple. Il a la chance d’être avec toi tous les jours et de recevoir un peu de ton affection. Il ne peut qu’en être très heureux. »

Marry réfléchit un instant à ces mots. Elle plongea ensuite ses grands yeux bleus dans ses yeux à lui, sa main tirant fébrilement un pan de sa chemise.

« Je te demande pardon. Je ne voulais pas te décevoir. » 

Il ne lui donna pour seule réponse qu’un regard rempli d’une profonde tendresse, teintée cependant de quelque chose d’indicible qui lui échappait alors qu’il regardait la petite cage.

    Après un instant ils se sourirent, puis il repartit en la saluant. A nouveau seule, elle déposa l’oiseau dans la cage qu’elle cacha minutieusement avant de revenir vers la fenêtre. Elle y lança un regard songeur empreint d’une certaine amertume. Le lendemain allait être le premier jour du printemps. Le printemps étaient peut-être la seule chose ci bas qui ravivait chez elle un réel intérêt. Mais comme chaque année, elle serait coincée là à y assister de loin, à travers sa fenêtre.

[Extrait du chapitre 1 "Une jolie cage"]
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:bulletblue: "La Reine Bleue" (The Blue Queen) Project :bulletblue:

An extract (french version) of my novel "La Reine Bleue" (Gallery)


Voici un extrait du premier chapitre du roman de "La Reine Bleue" sur lequel je travaille.
Ici, j'ai sélectionné un morceau du prologue (conté à la première personne) suivi du début du premier chapitre. Il ne s'y passe pas grand-chose, mais je pense qu'il donne une bonne idée de l'ambiance et en dit plus sur le fonctionnement de Marry à cette période de l'histoire.
Je n'ai pas la prétention d'être "écrivain" au sens fort du terme, dans le sens où je me sers de l'écriture comme d'un outil et d'un complément à l'univers que je dessine, pour le raconter.

:star: [Update] Voici une version actualisée, sensiblement remaniée de l'extrait à l'occasion de la sortie prochaine de mon nouveau livre Caged ~Renouveau~. Il y figurera l'intégralité des quatre premiers chapitres de l'histoire, dont cet extrait. Un autre extrait inédit pourrait arriver par la suite, peut être ;p



★ TEXT & STORY © Doria-Plume
★ Story and characters, from "La Reine Bleue" © Doria-Plume

★ Extract from the novel "La Reine Bleue" © Doria-Plume
:icondonotuseplz::iconmyartplz:

★ Other artworks about "La Reine Bleue" [Gallery ] :
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Vouvou-Touch's avatar
Je ne regrette pas d'avoir pris le temps (enfin !) pour lire cet extrait ! :dummy:
Le style de la narration est très fluide et agréable à suivre, tu as un vrai talent pour l'écriture c'est certain :aww:
En tout cas, ça correspond très bien à tes illustrations (ou bien l'inverse ;p)
Je lirai avec grand plaisir d'autres extraits :hug: